Marie Popelin achève ses études de droit en 1888 à l’Université Libre de Bruxelles, première université belge à accepter les femmes, avec la mention « distinction ».
Son diplôme en poche, elle fera ensuite la demande pour prêter serment et devenir avocate, soulevant un tollé au sein du Barreau et de la Magistrature.
Par un arrêt du 12 décembre 1888, la Cour d’appel de Bruxelles refusera finalement à Marie Popelin un tel droit au motif explicite de son sexe.
Le 16 septembre 1946, lors de la rentrée solennelle de la Cour d’appel de Liège, le Procureur général Delwaide s’exprimera en ces termes concernant la capacité des femmes à exercer une fonction au sein de la magistrature :
« Pour me résumer, j’estime que, sauf de rares exceptions (et on ne légifère pas pour des exceptions), la femme convient moins bien que l’homme pour les fonctions judiciaires. Psychiquement, son tempérament est subjectif, émotif et primesautier ; elle manque donc de la sérénité nécessaire. Physiquement, ses forces sont moindres, et ses troubles périodiques et la ménopause, ainsi que son rôle normal de mère de famille, sont de graves empêchements dans une carrière qui nécessite des prestations régulières et absorbantes. Son introduction dans le personnel de la Justice ne peut qu’en diminuer le prestige ; il est, de plus, de nature à y amener des complications regrettables. »
Il fut donc long le chemin pour que les femmes puissent parler du droit.
Et il reste encore du chemin à parcourir pour que le droit parle des femmes.
C’est ainsi qu’en 2015 l’association Fem&Law, composée de femmes juristes et féministes, est née avec comme mission de « Mettre le droit au service des femmes, le féminisme en action dans le droit ».
Pour mettre en œuvre cette mission, l’association a accompli un des ouvrages les plus emblématiques que le milieu du droit puisse entreprendre : un code… de droits des femmes !
Paru en mars 2020 et en accès libre sur le site de l’association (https://femandlaw.be/), ce code est un projet novateur. Outre le fait qu’il contienne les instruments légaux, ceux-ci sont accompagnés d’une analyse des pistes et dangers que ces textes peuvent soulever.
Que dit la charte sociale européenne des droits des femmes ?
Le régime matrimonial, outil d’émancipation ou de protection de la femme mariée ?
Comment le droit du travail et le code pénal social protègent-ils les femmes sur leur lieu de travail ?
Et si leur carrière est politique, quels sont les outils pour faire entendre leur voix ?
Oblige-t-on nos conseils d’entreprise à faire une place aux femmes ?
Les femmes ont-elles droit au même traitement pour leur pension ?
Peut-on prendre en compte l’espérance de vie plus longue des femmes dans la détermination de la prime d’assurance ?
Comment sont appréhendées les violences faites aux femmes dans le code pénal ?
Comment notre système pénitentiaire traite-t-il les femmes incarcérées ?
Tant de questions non exhaustives que peut se poser un.e praticien.ne du droit et auxquelles ce code tente d’apporter un éclairage, car si le droit est un levier indéniable de la promotion des droits des femmes, ce code nous rappelle qu’il est aussi « l’un des rouages composant une structure sociale encore androcentrée ».
1 Bruxelles, 12 décembre 1888, Pas., 1889, II, p. 48
2 Procureur général ffl. delWaide, La femme magistrat ?, Mercuriale prononcée lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel de Liège, 16 septembre 1946, p. 27